Le livre arrive de Bordeaux, par la poste, dans une enveloppe blanche aux trois timbres « contre les violences faites aux femmes ». On se demande comment une simple enveloppe 17 x 21 cm peut contenir tant d’images. Ce ne sont que des mots, bien sûr, pour accrocher ces images dans un coin de mémoire (peut-être un « si je n’écris pas l’image, elle disparaîtra, — et si elle disparaît je ne l’aurais pas vue »). L’auteur s’est promené dans les Ardennes, en Grèce, au Portugal, et, partout, il voit juste, le proche comme le lointain, réglant la focale de l’écriture sur le motif qui retient son regard (on pourrait aussi considérer la vitesse d’obturation, mais c’est une entreprise trop intérieure pour être discutée). C’est un voyageur au petit sac-à-dos, de ceux, rustiques, de toile rêche et aux lanières de cuir retroussées, qui scoliosaient les dos fragiles de jeunes scouts perdus dans les années cinquante. Dans le livre est glissé un petit carton gris : « Avec l’amitié du machiniste absent de Bordeaux ». Gilles Ortlieb, Le train des jours, Finitude, 2010.