Dans un entretien du dossier de presse édité à l’occasion de la projection en sélection officielle au dernier Festival de Cannes, Otar Iosseliani explique le titre de son film : « C’est du russe, inspiré du français chantera pas. A la fin du dix-neuvième siècle, toutes les familles aisées de Saint-Pétersbourg amenaient leurs enfants à des maîtres de bel canto italiens pour leur apprendre le chant. A l’époque, l’aristocratie russe parlait français, donc les Italiens avaient appris deux mots, lorsqu’ils sélectionnaient les enfants : chantera et chantera pas. Ensuite chantrapas est devenu un nom commun : les Chantrapas étaient les bons à rien, les exclus… » Le personnage aérien de son film, Nicolas, son dernier « merle chanteur » aussi lunaire et décalé qu’obstiné et intègre, est donc un merveilleux Chantrapas, — qui tournera pourtant son film dans les belles rues du printemps de Tbilissi. Les bobines passeront clandestinement à l’ouest, en éclaireur, car bientôt, fuyant la censure soviétique, notre ami Nicolas devra les suivre, et s’exilera à son tour dans notre noble et fière démocratie, — pour bien vite découvrir que, de ce côté-ci du monde, une censure tout économique se révèle aussi sévère, stupide et ridicule. On sait que le burlesque dessine la vision la plus ironiquement subtile et la plus poétiquement tragique du monde, parce qu’il vagabonde au bord du rêve. Chantrapas, d’Otar Iosseliani, avec David Tarielashvili, Nika Endeladze, Tamuna Karumidze, Fanny Gonin, Bulle Ogier, Pierre Etaix.