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4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 11:07
les renoncules de christine

Peu à peu on ouvre nos yeux endormis. C’est donc ainsi que le monde existe ? Qu’est-ce qui se passe, ho ho ? il n’y a vraiment, vraiment personne là-dedans ? On dirait bien qu’il fait grande nuit autour de nous. Il n’y plus beaucoup de lumière — peut-être que c’est nous la lumière ? Nous sommes trois sœurs jaunes et deux belles-sœurs, la blanche et la rouge. On s'entend bien, mais quelquefois on ne sait plus de quoi on pourrait parler. On se serre les unes contre les autres parce qu’on a un petit peu peur. Brrrrr, il ne fait pas chaud dites donc ! Les filles, ça vous dirait d’aller faire les magasins ? C’est le printemps, et on a des fourmis dans les jambes.

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31 mars 2016 4 31 /03 /mars /2016 21:32
un peintre de sentiment

« (…) Il est vrai, cependant, que son œuvre suggère un autre lien. Non plus de domination, d’appropriation, mais d’accueil, d’ouverture à la vie traversante, à son élan qui déborde toute représentation, comme le montre la manière dont il décentre l’espace du tableau, rompant avec ses règles possessives. Proche en cela d’un Mozart, autre illuminateur, autre passeur du fleuve de la finitude, Bonnard aide à éviter l’écueil du désespoir. Par sa variété, sa richesse, l’ampleur de sa trajectoire, son œuvre donne lieu à des lectures diverses. Toutefois son sens, qui transcende écoles et mouvements, est un. Il relève de l’acte de poésie et de lui seul, avec tout ce que celui-ci tait et révèle à la fois dans la lumière du simple mystère d’être. » Alain Lévêque, préface de Pierre Bonnard, Les exigences de l’émotion, L’Atelier contemporain, Strasbourg, 2016.

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5 mars 2016 6 05 /03 /mars /2016 11:32
palais d'hiver

« Les jeunes filles sont des espèces de fleurs qui poussent, selon les circonstances, dans les appartements ou les jardins. Elles appartiennent à la famille des chèvrefeuilles ou, mieux, à la famille des liserons. Leurs bras, pareils à de gracieuses tiges volubiles, s’enroulent un jour au cou d’un fiancé. Leurs robes blanches, roses ou bleues, ont la forme de cloches comme les corolles des liserons. Elles sont campanulées, comme l’on dit en botanique. » Francis Jammes, début de la conférence Les jeunes filles et les fleurs, prononcée dans le cycle des mardis littéraires au Palais d’Hiver, à Pau, le 12 mars 1907.

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2 mars 2016 3 02 /03 /mars /2016 15:16

Emmanuelle Riva parle de son rôle dans « Hiroshima mon amour », d’Alain Resnais sur un scénario de Marguerite Duras, émission Cinépanorama du 15 mai 1959, archives INA

La comédienne est filmée sur une hauteur au-dessus de Cannes, comme si elle venait tout juste de s’échapper des premiers plans du Rebecca qu’Alfred Hitchcock tourna presque vingt ans plus tôt. Elle est aussi fragile, timide et lumineuse que cette future Mrs de Winter à qui Joan Fontaine prête sa rêveuse silhouette.

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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 19:25
André Beucler et Léon-Paul Fargue, brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain, Paris, 1936.

André Beucler et Léon-Paul Fargue, brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain, Paris, 1936.

« Citerai-je tous les bistros où il me fut donné d’être jeune et heureux, entouré de camarades, de pensées consolantes ou d’épaules de demoiselles ? Et par quel bout commencer ? Laissons l’âme y aller au hasard. Voici le Dôme, la Rotonde, la Coupole où se posent pour moi, comme des insectes possibles et charmants, figurés ou bizarres, venus de tous les musées du monde avec le pittoresque concomittant, les florentins, munichois, londoniens, qui ne risquent jamais jusqu’aux cimaises. Voici le Vachette et le d’Harcourt de mes années universitaires, avec ses fous, ses professeurs sérieux, savants et doux. Voici le bistro sans nom, affectueux et triste comme chien errant ou chat sinistré, le bistro de quelque coin de rue, monacal et sage, lavé, patient et solitaire, où j’ai attaqué, doucement fasciné par quelque saucisson, plus d’un poème. » Léon-Paul Fargue, Poisons, avec des gravures d’E. M. Burgin, éditions Daragnès, Paris 1956, réédition Le temps qu’il fait, Cognac, 1992.

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1 mars 2016 2 01 /03 /mars /2016 01:34
notice de La Prisonnière, À la recherche du temps perdu, bibliothèque de la Pléiade, volume III, Paris, 1988.

notice de La Prisonnière, À la recherche du temps perdu, bibliothèque de la Pléiade, volume III, Paris, 1988.

Pour Proust, comme il tient à le préciser dans une addition marginale au verso du folio 45 de son cahier 73, qui a entendu une transcription au piano « connaît la photographie de l’œuvre seulement », — certes il s’agit d’une photographie en noir et blanc, puisqu’il précise que « (…) l’œuvre est dépouillée de ces bleus si célestes, de ces rouges lumineux et féroces, de ces violets orageux (…) Ainsi quand sur ce dessin de l’œuvre de Vinteuil qu’était sa transcription il fallait étaler toutes les fragrances des cuivres, tout le crépuscule lilas des violons, toute une palette inconnue où plus encore que dans l’invention des thèmes se réalisait sa personnalité. » Ce qui est divinement proustien, c’est ce soudain passage des couleurs aux parfums (les cuivres) et au temps (les violons) — la tombée du soir, avant d’en revenir à une palette inconnue, c’est-à-dire, en somme, à un paysage, seul capable d’illustrer la personnalité de l’œuvre.

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25 février 2016 4 25 /02 /février /2016 19:46
Pentti Sammallahti, Solovki, white sea, Russia, 1992.

Pentti Sammallahti, Solovki, white sea, Russia, 1992.

« Je ne suis désormais plus né nulle part, et nulle part chez moi. C’est étrange et terrible, et je me fais moi-même l’effet d’un rêve qui n’aurait ni but ni racine, ni commencement ni fin, qui va et vient sans savoir lui-même où il va, d’où il vient. » Joseph Roth, Fraises, traduction d’Alexis Tautou, L’Herne, Paris, février 2016.

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25 février 2016 4 25 /02 /février /2016 14:26
Joseph Roth enfant.

Joseph Roth enfant.

« Le train arrivait à cinq heures vingt-cinq du soir. En cette saison, le soir était depuis longtemps couché sur le monde, les volets aux fenêtres auraient dû être depuis longtemps fermés et les gens calfeutrés. Ce n’était pas le cas, pourtant. Les volets étaient encore ouverts, de la lumière brûlait dans toutes les chaumières ; toutes les fenêtres avaient l’air illuminées, les lanternes, briquées, livraient toute la lumière qu’elles possédaient. Les traîneaux, chargés de passagers, glissaient en direction de la gare sur la route toute droite, déversaient leur sombre charge, décrivaient un bel arc cintré au moment de s’arrêter, une fumée bleue montait des naseaux des chevaux, leurs sabots heurtaient la glace avec fracas, des hennissements impatients s’élevaient des bêtes, les cochers se frottaient les mains et agitaient les bras, les gens, debout au café de la gare, se réchauffaient avec du schnaps, leurs bottes piaffaient. Le concierge venait alors, de la glace pendait à sa moustache blonde, il annonçait l’arrivée du train, des portes s’ouvraient, on entendait les signaux sonores du quai, le train entrait en gare, de la vapeur sifflait de la locomotive. Parmi les voyageurs qui descendaient se trouvait Monsieur Britz. » Joseph Roth, Fraises, traduction d’Alexis Tautou, L’Herne, février 2016.

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17 février 2016 3 17 /02 /février /2016 12:03
jura des grandes patiences

« Il est quatre heures d’octobre. Loin du Jura. Depuis quinze ans, au retour du soleil du Maroc et d’Algérie, je me suis exilé dans ce village de Champagne, entre plaines et collines, entre vignes et colza. Je gagne mon temps à le perdre dans l’infini des livres. Pour me laver la tête, je marche avec fureur sur les collines. Je n’ai peur ni du vent ni de la pluie. Car souvent je marche à l’intérieur. Parfois, je dirige mes pas vers la ville, je regarde les statues vivre leur vie de statues, les rues vivre leur vie de rues, les gens vivre leur vie de gens. Je peux rester des heures dans les cafés, comme je faisais à Dole, à Lons-le-Saunier, à Pontarlier, à Mouthe, à Morteau, dans ce café de Salins au retour des vendanges à Saint-Lothain, ou dans celui de Saint-Claude qui clôt la rue Mercière. » Jean-François Nivet, Le Voyage au Mont d’Or, éditions Séquences, Saint-Sébastien-sur-Loire, 2006.

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5 février 2016 5 05 /02 /février /2016 18:32
le 4 août

« Aujourd’hui j’achève ma vingt-deuxième année. J’ai vu souvent, à Paris, des enfants s’en aller en terre dans de tout petits cercueils, et traverser ainsi la grande foule. Oh ! que n’ai-je traversé le monde comme eux, enseveli dans l’innocence de mon cercueil et dans l’oubli d’une vie d’un jour ! Ces petits anges ne savent rien de la terre ; ils naissent dans le ciel. Mon père m’a dit que, dans mon enfance, il a vu souvent mon âme sur mes lèvres, prête à s’envoler. Dieu et l’amour paternel la retinrent dans l’épreuve de la vie. Reconnaissance et amour à tous deux ! Mais je ne puis m’empêcher de regretter le ciel où je serais, et que je ne puis atteindre que par la ligne oblique de la carrière humaine. » Maurice de Guérin, Journal, 4 août 1832, éditions Didier et Cie, libraires-éditeurs, Paris, 1862.

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Une Petite Rue D’angoulême

  • : le ciel au-dessus de la rue
  • : petites proses journalières, citations, musiques, ou bouts de films.
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il devient écrivain

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« Toujours allongé sur son canapé, il se sent pris d’une fièvre inhabituelle et tandis qu’elle se poursuit dans son corps, sa tête travaille à mettre en ordre d’anciens souvenirs, à élaguer certaines choses et à en rajouter certaines autres. De nouveaux personnages secondaires se présentent, il les voit se mêler à l’action, il les entend parler. C’est comme s’il les voyait sur la scène. Deux ou trois heures plus tard il avait une comédie en deux actes toute prête dans la tête. C’était un travail à la fois douloureux et voluptueux, si on pouvait appeler cela du travail, car cela se faisait tout seul, sans l’intervention de sa volonté et sans qu’il y fût pour rien. Mais à présent il fallait l’écrire. La pièce fut achevée en l’espace de quatre jours. Il allait et venait entre son bureau et le canapé où, par intervalles, il s’effondrait comme une loque. » (August Strindberg)

valentine

renee-2-copie-2.jpg

Ma grand-tante s’appelait Valentine. Elle vivait en solitaire à Fontbouillon, une campagne reculée, perdue, elle vivait ? — c'est un bien grand mot, je crois que je devrais plutôt dire qu’elle rêvait. Chaque jour elle s’habillait très élégamment, comme si ç’avait été un dimanche. Elle sortait peu. Elle regardait simplement la petite route qui passait devant sa porte, — où aurait-elle pu aller ? Les maris étaient morts depuis longtemps et son fils s’obstinait à vivre dans sa folie. Valentine s’asseyait à son piano et jouait ses nocturnes. La vie de Valentine est un immense, cruel et déchirant nocturne. Il y a longtemps que je pense à écrire le roman de sa vie absente. Fleur fanée d’un souvenir lointain et douloureux.

en voyage

KafkaMan

On arrive sur la grande place dès les premières heures, et tout est encore dans le tendre déploiement du rêve ; le jour est plus que le jour, — et la nuit moins que la nuit. Les pigeons égrènent la ponctuation subtile et mouvante de leur tourbillonnante quête d’horizons. Le ciel descend au milieu des murs, et les jeunes ombres s’étirent derrière les fenêtres. On est devant les vieilles procuraties, et le cœur s’absente de soi-même. On devient le voyageur de son désir — étranger au pays de ses errances.

l’écriture

wassermann

Il faudrait calculer le secret rapport entre la main et la pensée, — je ne suis pas sûr non plus que ce soit la pensée qui s’avance jusque dans la main, — c’est autre chose, peut-être simplement l’élan, la mise en mouvement de ce rapport justement, qui reste suspendu dans le fil courbe de la plume, et la respiration viendrait de ce qu’il faut tout de même, de temps en temps, tremper la plume dans le lac sombre de l’encrier. Peut-être les pensées sont-elles justement tout au fond dans l’encrier ? petites sirènes d’argent.