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21 avril 2011 4 21 /04 /avril /2011 11:44

Mikhail-Afanassievitch-Boulgakov.jpeg

DANS LA MAISON AUX SINGES. Donc, vers le 13 janvier 1622 à Paris, un premier-né fragile fit son apparition chez monsieur Jean-Baptiste Poquelin et son épouse Marie Poquelin-Cressé. Le 15 janvier, il fut baptisé à l’église Saint-Eustache et prénommé en l’honneur de son père Jean-Baptiste. Les voisins félicitèrent Poquelin et la corporation des tapissiers sut qu’un nouveau tapissier et marchand de meubles était venu au monde. Mikhaïl Afanassievitch Boulgakov, Le roman de monsieur de Molière.

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31 mars 2011 4 31 /03 /mars /2011 10:50

arseniev

Je me rendis dans une papeterie, j’achetai un gros cahier relié en moleskine noire. De retour chez moi, tout en buvant mon thé, je me disais : « Oui, assez tergiversé. Je vais surtout me consacrer à la lecture. S’il m’arrive d’écrire, ce sera simplement sous forme de notations brèves, pour fixer au fil de la plume des pensées, des impressions, des observations… » Et, trempant ma plume dans l’encrier, je calligraphiai avec application : Alexis Arséniev. Notes. Ivan Bounine, in La vie d’Arséniev.

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13 février 2011 7 13 /02 /février /2011 11:57

ivan-bounine.jpg

Depuis longtemps, le long crépuscule printanier, assombri par les nuages pluvieux, était tombé, le lourd wagon grondait en traversant les champs nus et frais, — le printemps, dans les champs, était encore à son début, — les contrôleurs passaient dans le couloir du wagon, demandant les billets et mettant des bougies dans les lanternes, et Mitia se tenait toujours près de la vitre tintante, sentant l’odeur que le gant de Katia avait laissé sur ses lèvres, encore tout embrasé par la flamme aiguë du dernier instant de la séparation. Et le long hiver moscovite, heureux et torturant, qui avait transformé sa vie entière, se levait devant lui sous un jour tout nouveau. Et Katia, elle aussi, lui apparaissait sous un jour encore nouveau. Oui, oui, qui saura exprimer ce qu’elle est, ce qu’elle représente ? Et l’amour, la passion, l’âme, le corps ? Qu’est-ce donc ? Il n’y a rien de tout cela, il y a quelque chose d’autre, de tout à fait autre ! Le parfum de ce gant, n’est-ce pas aussi Katia, l’amour, l’âme, le corps ? Et les paysans, les ouvriers du wagon, la femme qui conduit au lavabo son horrible enfant, les bougies ternes dans les lanternes tintantes, le crépuscule dans les champs printaniers et vides, tout cela est amour, tout cela est âme — et tout cela est torture, et tout cela est joie ineffable ! Ivan Bounine, Le sacrement de l’amour, traduction de Dumesnil de Gramont, éditions Stock, 1925, — photo inédite contrecollée sur son recueil de poésies Poésies choisies édité à Paris en 1929 aux éditions Annales contemporaines.

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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 11:53

dostoievski.jpg

Il remarqua qu’il était habillé comme pendant sa conversation avec Catherine et que, par conséquent, il ne s’était pas écoulé beaucoup de temps depuis qu’elle l’avait quitté. Le feu de la décision coulait dans ses veines. Par hasard, il toucha avec sa main un grand clou, enfoncé dans la cloison le long de laquelle on avait installé son lit. Il le saisit, s'y suspendit de tout son corps et arriva ainsi à une fente par où une mince raie de lumière filtrait dans sa chambre. Il appliqua l’œil contre cette fente, et, retenant son souffle, regarda. La logeuse, de Fiodor Dostoïevski, traduction de J.-W. Bienstock, éditions Rieder, 1920 (Dostoïevski par Rundaltsov, détail, musée Dostoïevski, Saint-Pétersbourg).

 

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2 février 2011 3 02 /02 /février /2011 19:59

pasternak-rilke.jpeg

A quoi ressemblaient les dimanches, au début, les dimanches de la rue Toullier ? Ce premier dimanche de 1902. Le seul, peut-être, dont Rainer se souvienne vraiment. Il pleuvait. C’était l’été et il pleuvait. C’était l’été et on balayait déjà les feuilles sur les trottoirs. Ça ne s’oublie pas. Il n’était pas allé bien loin. Il avait visité le Panthéon, juste au-dessus de chez lui, un endroit « calme, doux et vaste », où il avait eu envie d’enlever son chapeau comme dans une église. Puis il avait traversé son Jardin pour se rendre jusqu’au Musée du Luxembourg. Manet, Renoir, Degas, Caillebotte. Manet surtout, l’Olympia, « puissante et forte ». Et puis Rodin, déjà, toujours, Rodin qu’il n’avait pas encore rencontré. Béatrice Commengé, En face du Jardin, six jours dans la vie de Rainer Maria Rilke, Flammarion, 2007 (Rainer Maria Rilke, portrait de Leonid Pasternak). 

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20 décembre 2010 1 20 /12 /décembre /2010 13:59

tchekhov.jpg

Le bateau n’est pas fameux. Ce qu’il y a de mieux c’est le water-closet. La lunette est si haut perchée au sommet de quatre marches, qu’une personne un peu naïve dans le genre d’Ivanenka la prendrait facilement pour un trône. Le pire sur ce bateau ce sont les repas. Voici le menu sans changer l’orthographe : soupe au chou verd, saucisses aux chou, esturgeon fri, pouding de chat ; le chat se révéla être de la kacha. Comme j’ai gagné mon argent à la sueur de mon front, j’aurais préféré que ce fût l’inverse et que les repas fussent mieux que les cabinets… D’autant plus qu’avec le vin de Santorin, j’ai les intestins bouchés et vais pouvoir me passer de water jusqu’à Tomsk. Anton Tchékhov, sur l’Alexandre Nevski, Volga, à Tchékhova, le 23 avril 1890, traduit par Louis Martinez, éditions cent pages, 2003.

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15 décembre 2010 3 15 /12 /décembre /2010 16:18

accattone-1961.jpg

Dans la cour, les enfants jouaient au milieu du passé simple des siècles. La ville était très ancienne, creusée, farcie de grottes et de cachettes. Les après-midi d’été, quand les habitants étaient en vacances ou disparaissaient derrière leurs volets, j’allais dans une deuxième cour où se trouvait une citerne recouverte de planches en bois. Je m’asseyais dessus pour écouter les bruits. D’en bas, qui sait à quelle profondeur, montait un chuintement d’eau agitée. Une vie était enfermée là, un prisonnier, un ogre, un poisson. L’air frais passait entre les planches et séchait ma transpiration. Dans mon enfance, j’avais la plus totale liberté. Les enfants sont des explorateurs et veulent connaître les secrets. Je suis donc retourné derrière la statue pour voir où menait la trappe. C’était le mois d’août, le mois où les enfants grandissent le plus. Erri De Luca, Le jour avant le bonheur, Gallimard, 2010.

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10 décembre 2010 5 10 /12 /décembre /2010 01:23

chat.jpg

J’ai mis ma petite laine que m’a tricotée Kitty (elle tricote depuis huit jours en regardant la télé qu’elle a réparée). J’ai l’air plutôt tranquille comme ça, mais ne vous y fiez pas, je ne dors que d’un œil et que d’une oreille. Miss Soja.

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 19:19

branches.jpg

Il était facile quand je vous connaissais à peine 
de vous saluer de loin, droite comme une reine. 
Le vers à l’époque était équilibré 
il se disait lentement, la tête bien posée. 

Il sera délicieux et doux 
le moment où… mais taisons cela 

la rime s’est effondrée 
l’amour est seule poésie 

Je me lance sans avoir jamais appris 
(moi, maçon ?) 
à construire en quelques vers
un invisible pont, 
 

la partie aérienne de mon chantier. 
Nul ne voit ce tunnel innocent
que je creuse vers vous en rêvant.

Catherine Ternaux, Poème de chantier, in Liseron n° 38, octobre 2006.

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30 novembre 2010 2 30 /11 /novembre /2010 00:47

bove.jpg

Les souvenirs auxquels nous tenons le plus sont ceux des premiers lieux où nous avons été livrés à nous-mêmes. Ces lieux n’étaient pas, pour le jeune Digoin, des squares, ni des rues, ni la place plantée de platanes d’une charmante ville de province, mais la campagne avec ses chemins creux, ses sous-bois, ses cachettes et son espace. A quatre heures, quand il rentrait chercher son morceau de pain et sa tablette de chocolat couverte de médailles, dans cette maison où l’eau coulait sur les murs, à cause d’un phénomène de condensation disait son père, il tombait dans une tristesse sans borne. Le perron surmonté d’une armature de marquise, la double porte d’entrée avec ses vitraux de couleur, le salon à gauche, la salle à manger à droite, la véranda dans le fond, dont la toiture de verre laissait passer la pluie si bien qu’on était obligé de disposer un peu partout des bols, des cuvettes, de brocs, tout cela respirait la misère des soucis domestiques. Emmanuel Bove, Adieu Fombonne, Le Castor astral, collection Millésimes Littérature, 2005. Louise et Emmanuel Bove sur le Grand Pont à Lausanne (Suisse).

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Une Petite Rue D’angoulême

  • : le ciel au-dessus de la rue
  • : petites proses journalières, citations, musiques, ou bouts de films.
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il devient écrivain

strindberg-copie-1.jpg

« Toujours allongé sur son canapé, il se sent pris d’une fièvre inhabituelle et tandis qu’elle se poursuit dans son corps, sa tête travaille à mettre en ordre d’anciens souvenirs, à élaguer certaines choses et à en rajouter certaines autres. De nouveaux personnages secondaires se présentent, il les voit se mêler à l’action, il les entend parler. C’est comme s’il les voyait sur la scène. Deux ou trois heures plus tard il avait une comédie en deux actes toute prête dans la tête. C’était un travail à la fois douloureux et voluptueux, si on pouvait appeler cela du travail, car cela se faisait tout seul, sans l’intervention de sa volonté et sans qu’il y fût pour rien. Mais à présent il fallait l’écrire. La pièce fut achevée en l’espace de quatre jours. Il allait et venait entre son bureau et le canapé où, par intervalles, il s’effondrait comme une loque. » (August Strindberg)

valentine

renee-2-copie-2.jpg

Ma grand-tante s’appelait Valentine. Elle vivait en solitaire à Fontbouillon, une campagne reculée, perdue, elle vivait ? — c'est un bien grand mot, je crois que je devrais plutôt dire qu’elle rêvait. Chaque jour elle s’habillait très élégamment, comme si ç’avait été un dimanche. Elle sortait peu. Elle regardait simplement la petite route qui passait devant sa porte, — où aurait-elle pu aller ? Les maris étaient morts depuis longtemps et son fils s’obstinait à vivre dans sa folie. Valentine s’asseyait à son piano et jouait ses nocturnes. La vie de Valentine est un immense, cruel et déchirant nocturne. Il y a longtemps que je pense à écrire le roman de sa vie absente. Fleur fanée d’un souvenir lointain et douloureux.

en voyage

KafkaMan

On arrive sur la grande place dès les premières heures, et tout est encore dans le tendre déploiement du rêve ; le jour est plus que le jour, — et la nuit moins que la nuit. Les pigeons égrènent la ponctuation subtile et mouvante de leur tourbillonnante quête d’horizons. Le ciel descend au milieu des murs, et les jeunes ombres s’étirent derrière les fenêtres. On est devant les vieilles procuraties, et le cœur s’absente de soi-même. On devient le voyageur de son désir — étranger au pays de ses errances.

l’écriture

wassermann

Il faudrait calculer le secret rapport entre la main et la pensée, — je ne suis pas sûr non plus que ce soit la pensée qui s’avance jusque dans la main, — c’est autre chose, peut-être simplement l’élan, la mise en mouvement de ce rapport justement, qui reste suspendu dans le fil courbe de la plume, et la respiration viendrait de ce qu’il faut tout de même, de temps en temps, tremper la plume dans le lac sombre de l’encrier. Peut-être les pensées sont-elles justement tout au fond dans l’encrier ? petites sirènes d’argent.