petites proses journalières, citations, musiques, ou bouts de films.
« Il existe un type de traducteur, qui n’entretient pas de liens univoques avec l’activité de traduction. Beaucoup d’excellents traducteurs ne relèvent pas de ce type, et sans doute certains de ses représentants n’ont-ils jamais traduit. Étranger de naissance, il est le spectateur fasciné de toute existence hors de lui, et s’abîme en contemplation avant de se perdre en traduction. On le rencontre parmi les flâneurs des grandes villes, les entomologistes des transports en commun et des terrasses de café. On le prend parfois pour un amoureux compulsif, émotionnellement immature, parce qu’il s’absorbe irrésistiblement dans un visage de rencontre ; ou pour un esprit influençable, parce qu’il ne se refuse à rien ; ou enfin, pour un velléitaire. Mais il n’est rien de tout cela : simplement, il n’arrive à éprouver la réalité d’une existence qu’en reconstruisant l’univers autour d’elle, la solidité d’une pensée qu’en l’assimilant d’abord à sa propre substance. Il reste certes, après cela, à choisir — mais qui reste-t-il pour choisir ? » Pierre Rusch, avant-propos à sa traduction d'Enfance berlinoise vers 1900, de Walter Benjamin, Hermann, Paris, 2014.