Elle est si fatiguée qu’elle n’a plus de pensées. Peut-être devrait-elle mettre un peu d’ordre dans ce coin de cuisine, — est-ce encore une pensée ? un morceau de désir ? non, elle ne veut plus rien faire. Elle voudrait se séparer d’elle-même, et voir toute sa fatigue déposée là, à ses pieds, dans le jour fané de la croisée. Il reste tant à faire ; elle entend les hommes se disputer dans la salle, ils boivent, ils crient, et parmi toutes ces voix elle ne reconnaît plus celle de Giuseppe. Elle sent sa vie déchirée, perdue, et n’a plus pour elle qu’une tristesse vague et très douce. Maintenant elle voudrait s’appartenir un peu plus et tâcher aussi de s’aimer.
Jean-Baptiste Greuze, La paresseuse italienne, 1757 (huile sur toile, 64,8 x 48,8cm), Wadsworth Atheneum, Hartford.