Quand j’étais un tout petit indien, le monde n’était pas plus grand qu’une clairière. Je sentais le soleil jouer avec les ombres sur mon front et mes narines, et je respirais la bonne odeur brune de ma mère. Ma mère m’avait emmailloté dans un petit sarcophage dans lequel elle me berçait ; elle me regardait comme on regarde un prince. Elle me parlait, elle me disait qu’un jour je serais le roi de ce monde qui allait là-bas jusqu’au bord de la clairière, et je danserais avec les arbres, les ombres et le soleil. Quand j’étais un tout petit indien, ma mère aimait mes yeux noirs et mes cheveux noirs, elle me pinçait la joue en me promettant que j’aurais un grand cheval. Elle préparait le monde de la clairière pour que j’y sois libre et heureux sous un ciel toujours clément. Photographie d’Edward Sheriff Curtis, 1928.