La « photo de classe » est une photo d’identité supérieure : on s’y reconnaît presque en entier en ses jeunes années, et au milieu des camarades que le hasard aura mis sur la route cahotante des débuts de votre biographie. Rien ne fera plus que vous n'ayez pas été là, cette année-là, inscrit dans cette école, dans la classe de Monsieur Untel ou de Madame Untelle, au milieu des autres écoliers embarqués comme vous sur le même bateau municipal et national de l’éducation. Le groupe efface l’individualité, tout en en renforçant les timides premières tentatives de l’affirmer. Sourire ou grimace ? La photo de classe préfigure la remise des Prix à la fin de l’année, pendant laquelle les mêmes grimaces et les mêmes sourires seront de la partie. La coiffure, le tablier, les grosses chaussures, c’est avant tout une époque qui est photographiée, et, avec elle, une génération de secrets, de chagrins, et de genoux badigeonnés de mercurochrome. Ecole de Laprugne, 1955 (de haut en bas, et de droite à gauche : Henri, Alfred, Michel, Gérard, Henri, Jean-Claude, Yves, Jean-Paul (non, ce n’est pas moi), Gérard — Chantal, Claudette, Rémy, Jacky, Louisette, Daniel, Jean-Pierre, Claude, Roland — Nicole, Marthe, Josette, Monique, Suzanne, Bernadette, Pernette, Josette, Micheline — Marielle, Josette, Gisèle, Marie-Claude, Annie, Adèle, Marinette, Monique, Rolande, Denise, Colette).