Je rentrais chez moi dans une petite aube grise et rêveuse ; dans la maison, je marchais sans faire de bruit pour ne pas réveiller Alphonsine qui dormait à l’étage. La lumière se maquillait étourdiment dans les rideaux. J’allais gagner ma chambre quand, depuis le couloir, j’entendis des sanglots provenant de la bibliothèque. J’en ouvris la porte avec précaution. Personne. Les sanglots s’étaient arrêtés. Je tendis l’oreille, — mais non, plus rien. J’avais dû rêver. Je m’apprêtais à ressortir de la bibliothèque quand les sanglots se firent entendre de nouveau tout près de moi. Force me fut de constater que je me trouvais dans ces moments bien esseulé dans la bibliothèque. Qui pleurait et gémissait, si ce n’est tout de même l’un des livres ? Une fleur de Francis Jammes ? une petite demoiselle égarée de Carco ? ou encore un demi-fou de l’ïle de Sakhaline ? Je parcourus des yeux les rayonnages et leur paisible poussière. Les sanglots cessèrent sans qu’il me fût donné d’en identifier plus précisément l’origine. Ce matin-là je m’endormis en rêvant que les livres, eux aussi, sanglotaient dans la solitude nue de leur encre. (photo © Lydia Bonnaventure).