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24 décembre 2010 5 24 /12 /décembre /2010 09:19

anna-et-jean-luc.jpg

Il y a un petit mystère dans cette image, c’est la façon dont Jean-Luc tient son filet à provisions, — à mon avis il a dû passer les anses autour du poignet, si bien que la manche de la veste le recouvrant, on dirait que ce filet prolonge abstraitement son bras. C’est le propre de tout cinéaste d’avoir un filet à provisions où jeter pêle-mêle tous les motifs de ses films (il en ira aussi de même pour tout romancier sérieux) ; il lui faut encore une muse (au choix une actrice, une égérie, un flirt, — ou les trois à la fois) ; mais ce n’est pas tout, il lui faut à sa disposition permanente un assistant (qui mettra une veste à carreaux quand on aura enfilé un costume uni, ou l’inverse, car l’assistant doit être impérativement différent de soi). Ici, l’assistant est de dos, occupé à rassembler quelques effets sur le lit. On est dans une chambre d’hôtel, pendant un tournage, il faut se mettre bientôt en route pour le plateau, — on tourne n’importe où, où même dans une chambre de l’hôtel, un étage en dessous par exemple, ou bien sur le boulevard des Batignoles, qu’importe ; ou bien c’est avant le tournage, ou après, et c’est la folle période des repérages quand on est seul avec son désir de film (on ne repère rien en fait, on se contente de vivre, tout occupé qu’on est de l’amour pour Anna). Anna est au centre de la vie et de l’image, vieux pull informe et kilt (avec son épingle réglementaire), les bras tombent, le regard est toujours ironique, la frange déjà vintage. On dirait une sainte de la modernité, — c’était même avant la modernité. Non, ce n’est pas un départ définitif, on revient ce soir, l’autre costume attendra sur la chaise, et le tourne-disques, on le laisse là sur la petite table ? Anna Karina et Jean-Luc Godard (la vie, le cinéma et la vie).

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commentaires

L
<br /> Oui, c'est vrai, on peut se poser des questions sur le filet à provisions. Je pense quand même qu'il est si léger que c'est l'ensemble des doigts qui le tient. J'avais appris un jour que les<br /> scénarios de Godard tenaient dans une boîte d'allumettes.<br /> Gentiment attentif, je trouve, un brin interrogatif, le regard d'Anna Karina - et pas ironique. Quant au vieux pull, il n'est pas si informe que ça, puisqu'aux poignets et aux hanches il ne baille<br /> pas.<br /> Comme beaucoup de gens,j'ai toujours eu un faible pour Anna Karina. As-tu remarqué que dans beaucoup de ses gestes, l'angle que fait son poignet et sa main est presque un angle droit ? Je trouve ça<br /> joli. L'as-tu vue dans "L'assassin musicien", où Benoît Jacquot s'était inspiré du "Netotchka" de Dostoievski ? Elle y jouait le rôle d'une très pauvre femme malade, mère d'une fillette.<br /> <br /> <br />
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Une Petite Rue D’angoulême

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il devient écrivain

strindberg-copie-1.jpg

« Toujours allongé sur son canapé, il se sent pris d’une fièvre inhabituelle et tandis qu’elle se poursuit dans son corps, sa tête travaille à mettre en ordre d’anciens souvenirs, à élaguer certaines choses et à en rajouter certaines autres. De nouveaux personnages secondaires se présentent, il les voit se mêler à l’action, il les entend parler. C’est comme s’il les voyait sur la scène. Deux ou trois heures plus tard il avait une comédie en deux actes toute prête dans la tête. C’était un travail à la fois douloureux et voluptueux, si on pouvait appeler cela du travail, car cela se faisait tout seul, sans l’intervention de sa volonté et sans qu’il y fût pour rien. Mais à présent il fallait l’écrire. La pièce fut achevée en l’espace de quatre jours. Il allait et venait entre son bureau et le canapé où, par intervalles, il s’effondrait comme une loque. » (August Strindberg)

valentine

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Ma grand-tante s’appelait Valentine. Elle vivait en solitaire à Fontbouillon, une campagne reculée, perdue, elle vivait ? — c'est un bien grand mot, je crois que je devrais plutôt dire qu’elle rêvait. Chaque jour elle s’habillait très élégamment, comme si ç’avait été un dimanche. Elle sortait peu. Elle regardait simplement la petite route qui passait devant sa porte, — où aurait-elle pu aller ? Les maris étaient morts depuis longtemps et son fils s’obstinait à vivre dans sa folie. Valentine s’asseyait à son piano et jouait ses nocturnes. La vie de Valentine est un immense, cruel et déchirant nocturne. Il y a longtemps que je pense à écrire le roman de sa vie absente. Fleur fanée d’un souvenir lointain et douloureux.

en voyage

KafkaMan

On arrive sur la grande place dès les premières heures, et tout est encore dans le tendre déploiement du rêve ; le jour est plus que le jour, — et la nuit moins que la nuit. Les pigeons égrènent la ponctuation subtile et mouvante de leur tourbillonnante quête d’horizons. Le ciel descend au milieu des murs, et les jeunes ombres s’étirent derrière les fenêtres. On est devant les vieilles procuraties, et le cœur s’absente de soi-même. On devient le voyageur de son désir — étranger au pays de ses errances.

l’écriture

wassermann

Il faudrait calculer le secret rapport entre la main et la pensée, — je ne suis pas sûr non plus que ce soit la pensée qui s’avance jusque dans la main, — c’est autre chose, peut-être simplement l’élan, la mise en mouvement de ce rapport justement, qui reste suspendu dans le fil courbe de la plume, et la respiration viendrait de ce qu’il faut tout de même, de temps en temps, tremper la plume dans le lac sombre de l’encrier. Peut-être les pensées sont-elles justement tout au fond dans l’encrier ? petites sirènes d’argent.