Aujourd’hui Monsieur de Blancherose m’a posé une question qui, depuis, ne cesse de me trotter par la tête. Je pourrais résumer cette question très simplement : « Peut-on vivre sans se trahir jamais ? », ou, peut-être encore comme ceci : « Comment, tout en vivant pratiquement, se conformer avec son idéal ? » Jamais auparavant Monsieur de Blancherose ne m’avait ainsi habitué à s’interroger si profondément sur la dure condition humaine (qu’est-ce qui lui prend ?) Je le soupçonne d’avoir tiré ces angoissants questionnements d’un livre que lui aura offert Mathilde, ou qu’il aura déniché dans un coin de sa bibliothèque. Ma journée, et vraisemblablement un grand morceau de ma soirée, vont s’en trouver durement atteints, — j’ai réfléchi à la question avec tout l’entendement dont je puis faire montre en cette occasion. Le résultat de ma brève incursion dans le monde affolant des idées est piètrement désolant, et, ne m’en consolant point, j’en suis davantage désolé. Laissons, me suis-je dit, la vaine vanité de penser aux penseurs, — et ne nous choisissons des idéaux qu’à la hauteur, si minime et rudimentaire soit-elle, de nos pauvres capacités d’idéaliser le monde (cependant, en l’occurrence, ma modestie n’est-elle pas grandement pleine d’orgueil ?)